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Dre Josiane Pralong

Médecin interniste et spécialiste en soins palliatifs Présidente

Brief info

Se faire accueil du migrant : l’expérience d’un parrainage.

« Votre filleul s’appelle Ali , il a 17 ans et est afghan. Il vit dans un foyer pour MNA ».
Un afghan ? Qu’est-ce qui conduit un jeune à quitter l’Afghanistan ?
Ali, il est certainement musulman…
MNA, pour Mineur Non Accompagné, des jeunes, mineurs qui font seuls le chemin de l’exil.
Par l’intermédiaire d’« Action-parrainages » (https://plateforme-asile.ch/action-parrainages), nous nous étions engagés en famille à parrainer un jeune migrant. Les doutes, soudain, se mêlaient à l’impatience de notre première rencontre. C’était au printemps 2017.

Il y eu des premières fois, notre première rencontre au foyer, ta première visite chez nous Ali, tout en étonnement et respect. Un premier shopping chez Ikea : on est ressorti sans rien acheter, tu n’avais besoin de rien ! Une première promenade, tu me parlais des bombes, de la guerre, de ta famille. Je t’écoutais. Parfois je ne te comprenais pas. Un jour, quelques mois plus tard, seuls tous les deux, tu m’as partagé ton parcours migratoire à travers l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Autriche et la Suisse. Tu pleuras. Je me suis alors risquée à m’asseoir à tes côtés, te demandant si les mamans dans ton pays ont aussi des gestes de tendresse pour consoler leurs enfants.

Il y eut ensuite notre immersion dans le monde de l’asile, nourrie par des rencontres avec d’autres parrains et marraines organisées par Action-parrainages. On a compris avec toi que pour rester en Suisse, le réfugié n’a pas droit à l’erreur et qu’il doit s’intégrer. S’intégrer au sens de la loi suisse, c’est faire preuve d’une vie irréprochable, avoir un casier judiciaire vierge, maitriser la langue et être indépendant financièrement. Tu n’as pas d’autre choix que celui de la ténacité. Tu viens chaque semaine à la maison travailler tes cours. L’occasion d’exercer ton français, de se connaitre aussi, et de vivre en famille le temps d’un repas, d’un jeu, d’une sortie.
Contrairement à la Suisse qui t’accueille « sous condition », le parrainage t’offre un accueil « sans condition ». La loi ne voit pas la belle personne que tu es, elle n’espère pas ta présence, elle ne se réjouit pas de tes rires, elle ne partage pas tes espoirs, ni la richesse de nos échanges, ni la découverte de nos cultures et de nos pays. C’est pour cela que la loi est impitoyable, inflexible, inhumaine. Et pourtant tu le sais si bien, « il faut faire avec ».
Tu mets toute ton énergie et ton intelligence pour apprendre, travailler et vivre ton présent. En Afghanistan tu aurais voulu devenir médecin. En Suisse tu garderas ce rêve au fond de ton cœur, et peut-être qu’un jour…
La formation professionnelle a force d’intégration. Elle permet l’immersion dans le monde du travail, le contact avec d’autres personnes, la pratique de la langue et prépare à l’indépendance. Un nouveau défi : l’accès à la formation, impossible pour le migrant sans un patron bienveillant qui décide de lui offrir une chance. Dans la recherche d’une place d’apprentissage, le parrain et la marraine sont alors un soutien essentiel.

Il y a un présent: tu termines ta 2ème année d’apprentissage, tu as des projets. Tu vas bien.

Le parrainage, c’est se faire accueil de l’autre, qu’ils s’appellent Ali, Sami, Shabnam, Farrhad, Hossein ou Bijan. Je vois le parrainage comme une ouverture.
Une ouverture du coeur qui permet la rencontre et au migrant de se sentir accueilli et en confiance, soutenu et aimé.
Une ouverture sociétale qui fait de la solidarité entre les peuples une valeur essentielle du vivre ensemble.

Une ouverture pour construire ensemble un monde où il n’y aurait plus ni frontières, ni peuples, ni riches, ni pauvres, ni petits, ni grands…